Suzanne, trois fois folle
Folle de douleur au décès de son premier mari, gazé à la grande guerre en 1918, au décès de sa fille unique, en 1922, de la grippe espagnole, suivi du suicide de son deuxième mari ne supportant pas la disparition de la jeune fille.
Folle, c’est ce que le tout Paris disait d’elle, qui osait toutes les ambitions médicales normalement portées par les hommes
Folle, c’est ce que le tout Paris disait en la voyant déambuler avec un bandeau dans son chapeau, « Je veux voter », quelle outrecuidance de vouloir jouir des droits des hommes !
Suzanne est née de la bourgeoisie du Nord, qu’elle quitte pour suivre son premier mari, dermatologue à Paris. Elle s’y ennuie vite, et avec son accord, obligatoire à l’époque, là voila qui entreprend des études de médecine, après avoir passé son bac à 25 ans.
Elle rentre dans le service du chirurgien maxillo-facial le Dcr Hippolyte Morestin, un pionnier dans son domaine, et elle le voit, émerveillée, rendre figure humaine à un enfant brûlé au visage : ce qui la décide à devenir chirurgienne esthétique.
« Je décidais de me consacrer à cette chirurgie appelée à tort « esthétique » puisque, pour ma part, j’allais simplement essayer de combattre les erreurs de la nature et les accidents de la vie, et non seulement réparer « les outrages du temps »
Interne à 34 ans, elle demande à Sarah Bernard de la recevoir après l’opération esthétique que cette dernière vient de subir aux Etats Unis. Sarah lui explique le procédé, mais convient avec elle « qu’elle aurait du « faire le bas du visage »!!! Et elle accepte, ceci parait incroyable, que Suzanne « termine le travail »!!! Un peu de « frivolité » avant l’atroce grande guerre où Suzanne dès 1916 s’occupe « des gueules cassées » avec le professeur Morestin qu’elle a rejoint.
Après cette période terrible, sa famille dévastée, Suzanne accepte d’être en France représentante du mouvement américain nouveau né « Soroptimist« qu’elle développe en France et en Europe : un club de de femmes, pour améliorer la condition féminine. Leur première action réussie aux Etats-Unis est de sauver les séquoias géants des appétits féroces du négoce de bois.
Elle soutient la cause des femmes : « pourquoi tant de devoirs si nous n’avons pas de droits ? »Pourquoi payer des impôts, si nous ne sommes pas considérées comme des citoyennes « ?
Elle développe la chirurgie réparatrice et esthétique en France, et dans le monde entier à l’occasion de congrès. Elle met au point des techniques innovantes, n’hésite pas à se déplacer pour visiter des médecins créatifs…
Pendant la deuxième guerre mondiale, elle aide des résistants et des juifs traqués en leur « changeant de figure » …
Elle décède un 11 novembre, clin d’oeil de l’histoire.
PS C’est depuis le suicide de son deuxième mari que les ponts parisiens disposent de bouées, sur demande de Suzanne