Rouges jardinspar Guy Grandjean
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Libre thanasie en amazonie

Philosophie

Les Aucas, ou Waodanis sont des indiens d’Amazonie restés longtemps à l’écart «des hommes étranges».

Les hommes étranges, c’était les autres. L’étranger.

Ils s’estimaient entourés de cannibales, d’indiens infréquentables. Les grands blancs à l’odeur forte, plus récemment venus, qui voulaient voler leur sang pour nourrir leurs engins volants, ne valaient pas mieux.

C’est vrai que le liquide dont ils nourrissaient leurs animaux de métal, le gasoil, était rougeâtre…

Eux-mêmes s’appelaient «nous les hommes».

Ils fuyaient «les autres», et les abattaient sans hésiter quand ils estimaient leur intégrité menacée. Eux-mêmes vivaient en tribus ennemies. Des vendettas permanentes depuis des siècles dressaient des relations complexes où l’animosité s’épanouissait constamment.

Ils naissaient guerriers, cet idéal les façonnait dès la plus tendre enfance, c’était leur raison de vivre.
En 1956, ils tuent des missionnaires tentant de lier contact. C’est le début d’un changement profond ; la soeur d’un des évangélistes massacrés, en apprenant le drame, se promet vengeance, à sa manière.

Son idée fixe : convertir les assassins.

Rachel Saint apprit leur langage, se lia d’amitié avec une jeune transfuge, Dayuma, qui ne rêvait que de retourner dans sa région. Grâce à cette alliance, Rachel Saint s’installa dans le village pour y vivre. Peu à peu, elle put y introduire sa religion ; et pendant vingt ans, elle y fit régner un ordre moral intransigeant. Dayuma, plus tard, rejettera ce carcan religieux, et deviendra la parole d’un peuple nouveau, le peuple Waodani, pacifié.


Du temps que dura son amitié avec elle, Rachel Saint rapporte la terrible histoire de Dayuma. Certaines règles de vie traditionnelles des Waodanis paraissaient extrêmement cruelles. Quand un chasseur trouvait la mort, sa femme tuait les enfants, en les étranglant, c’était la coutume. La famille n’avait aucune chance de survie sans les produits de la chasse ; donc sans un chasseur (sachant chasser !). 

La pêche et la cueillette pouvaient être à peine suffisants pour faire peut-être survivre la femme, en attendant qu’elle trouve un nouvel homme. Telle était la règle, mais Caento, le père de Dayuma, qui avait trois enfants, s’en était entretenu avec elle. S’il arrive un accident, qu’elle fuit, qu’elle s’en aille, en tentant d’approcher les hommes blancs, à l’aide d’une amie Quetchuan… lui conjura-t-il.

Caento était un homme sensible, qui avait su entrevoir d’autres solutions, puisque son environnement avait changé. On ne pouvait utiliser leur sang pour nourrir les machines volantes il en était sûr.


Ce qui n’était pas loin d’être une prédiction arriva.
Petite, Dayuma dut assister à cette scène hallucinante : son père Caento revint un jour très gravement blessé aux jambes. D’une rixe avec ses voisins belliqueux. Seule l’amputation aurait pu peut-être le sauver, mais elle n’était pas pratiquée «sous les tropiques».(Avant l’asepsie, cette opération pouvait sauver une personne sur dix)

Tous les Aucas savaient que la mort les attendait alors : l’infection s’installe toujours, et rapidement, dans ce climat chaud et humide, quand la plaie est profonde ou délabrée et souillée.

Les colonies jaunes : les Staphylocoques dorés (St aureus)

Le Staphylococcus aureus s’y installe systématiquement, et s’il n’emporte pas le malade de septicémie, il laissera le Clostridium perfringens gangréner les tissus.

Quand les tissus humains sont dévitalisés, il faut mille fois moins de ces germes pour provoquer l’infection.

Quand des corps étrangers restent dans la plaie, il en faut un million de fois moins.

La gangrène, devenue rare dans nos pays, était un mot courant du langage médical ancien. Mot redoutable et redouté ! L’agonie pouvait être fort longue, de longues journées,-penser à Louis 14-, parfois des semaines.

En forêt, les prédateurs, petits comme la fourmi, ou gros comme un rapace venaient parfois pimenter cette scène insoutenable.
Tous les Auca connaissaient ce scénario imparable.

Une vraie femme Auca ne le permettait pas ; elle avait appris dès l’enfance, les gestes, les techniques pour enterrer vivant son mari. Dayuma vit ainsi son père adoré disparaître ainsi, sans révolte.

Quand des années plus tard, on l’interroge à ce sujet :
« quand ma mère dut enterrer mon père, le laisser mourir dans d’atroces douleurs, pourrir de l’intérieur, aurait été bien plus inhumain : il réclamait lui-même la mort. Il n’y a que les bêtes pour laisser mourir d’autres bêtes dans ces conditions».

La mère, encore vivante à 60 ans affirmait qu’elle ne pourrait plus le faire. Elle transporterait son mari chez les blancs, et elle avait maintenant quantité de légumes dans son jardin.

Elle garderait donc ses enfants.

Leucodendron