Les virus, »des êtres de raison »
Vers 1900, les médecins connaissent les bactéries, les biologistes peuvent les observer avec un simple microscope. Les virus, non. Emile Roux, le successeur de Louis Pasteur, les appelle « des êtres de raison ».
Les savants imaginent les virus, à défaut de les voir.
S’ils échappent à leurs sens, ils n’ont pas résisté à leur bon sens. Un liquide biologique ultra filtré, c’est à dire débarrassé des bactéries, peut infecter. C’est l’étude d’une maladie végétale, la mosaïque du tabac, qui a permis cette avancée. En 1898, c’est Beijerinck qui l’appelera le filtrat « fluide vivant contagieux », puis virus. En 1935 Stanley réussira à le cristalliser, mais il faudra attendre la microscopie électronique pour voir les virus, en 1939.
En 1918, si l’humanité affronte un virus grippal d’origine aviaire, les mots de l’époque sont tout autres : on parle d’épidémie de grippe espagnole, de la maladie, pas de sa cause.
La grippe, maladie bénigne?
En fait pas vraiment. La grippe peut se révéler dangereuse chez les personnes âgées, et les personnes « immuno affaiblies ». Les patients souffrant d’une affection longue durée, les femmes enceintes, les personnes en surpoids, les très jeunes enfants…
Les années 2012/13 et 2014/15, années « sans mortalité grippale » encadrent l’année 2013/14, où l’épidémie a été sévère : c’est dire que le virus change sans arrêt, de manière plus ou moins importante.
On ne peut pas vraiment parler virus, sans parler immunité. Le virus est plus ou moins féroce, et notre immunité plus ou moins adaptée. Immunité « naturelle », ou immunité « post-vaccinale ». Tous les ans, la formulation quadrivalente du vaccin est évaluée. Son efficacité ? Cette année, 2021/2022, elle a été estimée à 42 % tous âges confondus. Mais elle varie de 10 à 60 %, dans la population générale, suivant les années, les souches virales. De 10 à 30 % dans la population âgée, celle qui est éligible la première à cette vaccination (!)… Rien à voir avec le vaccin antitétanique, ou autre antidiphtérique, efficaces à presque 100 % . C’est peu dire que les scientifiques s’acharnent à trouver vaccin anti grippal plus efficace ! Mais il paraît incontournable, tant le caractère épidémique de la grippe fait tourner bourrique le personnel soignant. Personnel soignant qui a tout intérêt aussi à se faire vacciner, bien sûr.
Dans le monde animal, les virus grippaux purement aviaires, très proches de nos virus grippaux humains, circulent dans les élevages et la faune sauvage. Ils sont en général tout à fait inoffensifs pour nous.
Mais certaines souches peuvent nous rendre malades, quand, les virus en grand nombre atteignent des récepteurs situés profondément dans l’appareil respiratoire, au niveau des alvéoles pulmonaires.
C’est le cas pour le H5N1 devenu récemment pandémique dans l’avifaune. Il a dévasté pour la première fois des élevages asiatiques en 1997, et tué quelques personnes qui manipulaient ces volailles en milieu clos. Depuis, il a tué quelques centaines de personnes, toujours des éleveurs de volaille, des centaines de millions de poules et poulets, peut-être même des milliards. Je ne sais pas si quelqu’un a compté. Terrible H5N1 hautement pathogène.
Voir https://rouges-jardins-8yzlk.ondigitalocean.app/blog/ce-fou-cet-oiseau-de-mauvaise-augure
On s’est aperçu qu’il ne touchait pas les personnes nées avant 1968. Tout simplement parce que les virus grippaux humains qui circulaient avant cette année avaient des antigènes en commun avec le H5N1. Un autre, le H7N9, sous haute surveillance, ne touche que les personnes nées avant 1968. Tout simplement aussi parce qu’il possède des antigènes identiques à ceux des virus grippaux nés après cette période. En revanche, un autre, le H5N8 ne se transmet jamais aux hommes. Nous ne possédons pas les récepteurs nécessaires, même au plus profond de nos poumons.
Une grippe d’enfance nous protège donc, et pour longtemps de certains types de virus.
En revanche la population peut être sans défense devant un « nouveau » virus grippal, ayant muté brutalement. En 1918, la mortalité moyenne a été estimée de 2 à 5 % dans les populations continentales, où circulent ces virus depuis bien longtemps en Europe et en Asie.
En revanche, dans les îles, la grippe a pu faucher un cinquième de la population, jeunes et vieux, voire bien plus dans des villages isolés du grand Nord.
Là où aucune immunité n’était adaptée, là où le corps était sans mémoire.
Il est piquant d’observer que les « antivax » eux, sont également sans mémoire de notre histoire médicale complexe…
.