Le rat et le méli-mélo du melilot
Au début du XX ème siècle des éleveurs canadiens importent d’Europe une légumineuse fourragère, une « espèce de trèfle » pour leurs bovins.
C’est le mélilot.
Leur climat n’est pas le nôtre, les pratiques sont différentes ; il y est plus difficile d’en faire du foin, qui demande des périodes sèches assez longues. Le foin gâté, moisi, car ramassé trop humide, provoque des catastrophes : des troupeaux sont décimés, les bêtes mourant d’étranges hémorragies.
Dans le Dakota, en 1931, un vétérinaire fait découvrir le pot aux roses. Le fourrage gâté est farci de dicoumarol, un puissant anticoagulant. Ce dernier est donc produit par les moisissures à partir des coumarines, substances végétales naturelles présentes dans les herbes, à l’origine de cette délicieuse odeur de foin frais. Ces molécules sont depuis longtemps utilisées en parfumerie.
Peu après guerre, la warfarine, proche molécule, est synthétisée. Très naturellement elle répond à deux demandes tout à fait différentes. Elle vérifie spectaculairement l’adage :
« c’est autant la dose que la molécule qui fait le médicament! »
Son succès comme raticide est foudroyant. Son succès comme anticoagulant utilisé en médecine humaine n’est pas mal non plus ; il devient rapidement la deuxième molécule employée, après l’héparine, pour « fluidifier le sang ». Cette dernière ne peut être utilisée que par injection.
Les médecins depuis longtemps rêvent d’un sang « plus liquide » pour décongestionner les systèmes cardio vasculaires fatigués.
Le rat, problèmos.
Il a d’ailleurs toujours posé problème. Dans les temps préhistoriques, les céréales ne pouvaient être stockées que dans des réserves fermées, et bien fermées encore ; la dent du rat attaque tout, et même si elle s’use sur un mauvais béton, elle repousse d’autant ; c’est dire si cette arme nous a causé bien des tracas dans le passé. Trouvez- vous nez à nez dans un espace clos avec ce rongeur, il vous attaquera sans mollir si il se sent menacé. Un David courageux de 300 grammes contre 80 kg de muscle de Goliath qui ne l’impressionne pas.
Il vit avec nous, autour de nous, sous nos pas, depuis si longtemps !
Dans les tranchées de Verdun, les rats gavés de chair d’homme étaient haïs des soldats. L’ère du poison qui avait commencé avec l’arsenic, l’a un peu calmé, mais moins que la souris. C’est un social, un partageux : même ses craintes, il les couine à ses congénères.
Un poison trop violent est décodé, et ses partenaires deviennent méfiants. Alors que la souris, plus famille, plus solitaire, garde ses ennuis pour elle. Elle ne verbalise pas ses maux d’estomac.
D’où l’intérêt majeur de cet anticoagulant : son mode d’action est décalé par rapport à l’ingestion de plusieurs jours. Difficile pour le rat d’établir un rapport entre un aliment et son agonie lente et indolore.
La warfarine, et ses nombreux dérivés nous ont ainsi aidé dans la lutte contre ce concurrent héréditaire. La dératisation est devenue un pré requis de notre vie en société, mais tout le monde l’ignore… Les égoutiers ne parlent d’ailleurs pas d’éradication, car les rats en »nettoyant » les endroits inaccessibles aux hommes peuvent être utiles.
Mais dans notre histoire, c’était peut être notre ennemi le plus terrible, avec le moustique.
Il infestait tous les navires ; les marins s’en étaient accommodés, à tel point qu’ils se sentaient en grand danger quand
« les rats quittaient le navire »
Très très mauvais signe, présage calamiteux, qui annonçait de grands malheurs pour le rafiot, l’univers marin étant dans ces temps là cousu de superstitions. D’autres marins malins n’hésitaient pas, eux, à s’en nourrir, ayant remarqué qu’ils évitaient ainsi le scorbut…
L’homme est, comme le cochon d’Inde, incapable de synthétiser la vitamine C. Comme lui, il se carence très vite, sans fruits et légumes.
Le rat lui, s’est toujours plu à voyager gratos dans tous les rafiots, même les longs cours, puisqu’il la synthétise, cette vitamine nécessaire.
Récemment le gène de rat a été scotché dans de l’ADN d’une salade, qui a vu sa richesse en Vit C multipliée par 1000….
Toutes les populations nordiques étaient également carencées en vit C (absence de végétaux en hiver) Les Inuits consommaient le contenu des intestins de phoque, c’était une nécessité vitale.