Rouges jardinspar Guy Grandjean
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Le chant nocturne d’une rossignole anglaise

Médecine

Florence Nightingale

Florence Rossignol

Par périodes, le rossignol chante autant la nuit que le jour.

Night, nuit, gale, chant.

Florence, comme Florence, ville qui a vu naître notre rossignole.

Florence Nightingale, cette fille d’aristocrates britanniques est née en 1820. Elle est éduquée par son père et sa mère, ce sont ses professeurs, pratique assez courante à l’époque. A travers ses voyages, ses rencontres, ses visites d’hôpitaux dans toute l’Europe, ses emplois, elle se forge peu à peu une puissante vocation : porter secours aux malades, c’est son envie, malgré l’opposition de sa famille. Comme « un appel de Dieu », dit-elle. Au passage elle suivra des cours de mathématiques statistiques de bon niveau.

A cette époque, en Angleterre, les malades riches sont soignés chez eux. Les malades pauvres dans des hospices, tenus par des femmes mal considérées : une femme bien née ne travaille pas… Ce qui est différent en France où ce sont les religieuses qui sont omni présentes dans les « Hôtels-Dieux ».

Florence travaille gratuitement dans les centres de soins de l’époque, vivant d’une pension confortable que lui verse son père, qui a fini par accepter la vie de sa fille. Peu à peu, elle se fait une idée plus précise des évolutions à apporter dans la vie hospitalière.

Bien souvent, les malades ne meurent pas de leur maladie, mais des maladies qu’on appelle nosocomiales maintenant, c’est ce qu’elle observe. Et c’est ce qu’elle traduira plus tard en statistiques tout à fait éloquentes, avant et après son intervention.

Bien souvent les blessés* de guerre ne meurent pas de leur blessure, mais d’infection, Florence l’observera plus tard, « sur le champ ».

Le manque d’hygiène, la saleté, les rats, les puces, les poux, le manque de gestion des urines, des selles, l’eau douteuse, l’entassement, sont à l’origine de maladies infectieuses redoutables, d’épidémies petites et grandes, toujours présentes.

Non, ce qu’il faut, c’est d’abord de l’hygiène.

Et ce qui est extraordinaire, c’est qu’elle développe cette vision, alors que les mots microbes, virus, sont inconnus.

Non, on parle de miasmes, de puanteur, d’air vicié, de saleté…

Florence veut que le malade respire un air aussi bon qu’à l’extérieur, profite de la lumière solaire, grâce à de belles fenêtres. Que les malades infectieux soient dispersés dans des pavillons à l’hygiène irréprochable, que l’on peut facilement aérer, voire ventiler. Que les infirmières se lavent les mains le plus souvent possible. Que les habits et les draps soient propres, l’alimentation correcte, et que l’on visite les patients, y compris de nuit, ce moment si propice à l’angoisse, née de la solitude et de la douleur.

C’est pour cette incroyable initiative qu’elle fut appelée par les journalistes de l’époque « The lady with the lamp« 

Le contact humain, le bouquet de fleurs, l’environnement immédiat agréable, toutes ces petites choses influent grandement sur les capacités à se soigner, observe-t-elle. Même la musique est bienvenue pour lutter contre la mélancolie.

Elle pense ainsi « aider la nature à guérir »

Toutes ces dispositions, issues de simples observations, intuitions, encadrées d’un solide bon sens, »instinctif », seront validées par les découvertes scientifiques ultérieures !

« Ce que le coeur ne contemple pas, l’oeil ne le verra pas » Proverbe causasien

Et le fait est qu’en organisant minutieusement la chasse au microbe, sans le savoir, elle aidera grandement les robustes jeunes militaires à se remettre d’équerre.

Dans les années 1850 éclate en effet la guerre de Crimée, entre les Européens et la Russie. Pour la première fois, un correspondant du journal le Times est envoyé sur place, et rapporte avec effroi les horreurs de la guerre : les morts, mais surtout des milliers de soldats laissés à leurs blessures, qui meurent dans des conditions épouvantables. Il lance un appel à la population anglaise, demande : « des femmes dévouées pour s’occuper de nos soldats « .

Notre rossignole est partante, accompagnée d’une quarantaine de femmes. Elles vont effectuer un travail considérable, et notre oiseau de nuit se plait à écrire aux familles des blessés quand les soins sont terminés.

Elle reviendra de cette guerre accueillie comme une héroïne. Elle passera les treize dernières années de sa vie allongée, atteinte d’une maladie mal définie. Mais jamais elle ne cessera de continuer son oeuvre, à travers des livres, des rapports, des consultations qu’elle accordera aux professionnels du monde entier.

Dans de nombreux pays -en France c’est à Bordeaux-, des écoles d’infirmières seront nommées Florence Nightingale.

A vrai dire je suis assez fasciné par cette femme qui a eu une influence pratique énorme sur l’évolution de notre humanité, en institutionnalisant l’hygiène et en favorisant l’empathie au sein de notre si cruelle civilisation.

En fait je ne vois pas d’autres personnalités avoir été si directement influentes dans nos pratiques de soignants ; cette révolution prend place à côté de celle des vaccins, des antibiotiques, des anesthésiques.

Et ceci juste avant la découverte des microbes !

PS

*En 1854, en Crimée, huit fois plus de soldats moururent de maladies que de blessures de guerre. Soldats fort mal traités, considérés comme « la lie de la terre », selon le mot du duc de Wellington.(Surnommé « the iron duke« )