Rouges jardinspar Guy Grandjean
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La rougeole, des peaux blanches aux peaux rouges

Virologie

La rougeole, maladie des plus contagieuses, était la maladie infectieuse la plus meurtrière, après la disparition de la variole. 

Dès le IXe siècle, le médecin iranien Rhazes sait distinguer ces deux féroces maladies éruptives. 

La rougeole est l’œuvre d’un virus, plutôt stable, et qui ne s’intéresse qu’à l’homme. Grâce à un vaccin efficace et bien toléré, il est bon candidat à la troisième place sur le podium des virus disparus : après celui de la variole en 1977 et celui de la peste bovine en 2011. Il en dériverait : ce virus serait donc né au né o lithique, période de rapprochement entre les hommes et des espèces animales fraichement domestiquées.

Le monde entier était concerné par la rougeole avant l’arrivée d’un vaccin acceptable dans les années 1960.

Pas tout à fait vrai : il faut que le virus circule.

 Pour lui, les continents sont de bons terrains de chasse, vastes et bien peuplés. Pas les îles. Le continent eurasiatique le connaissait depuis fort longtemps, depuis cinq mille ans. Avec la densification progressive de la population, la rougeole était plutôt une maladie de la jeune enfance. Les adultes survivants aux épidémies de grande fréquence étaient fortement protégés. Quand vous êtes atteint de rougeole, vous développez en effet des anticorps très puissants qui peuvent  vous immuniser des dizaines d’années.

Avant les bateaux, avant les chemins de fer, avant les voitures, avant les avions, les virus circulent moins facilement.

La famille royale des Bourbons a été durement touchée. Presque tous les successeurs de Louis XIV furent atteints de rougeole, le seul survivant étant le futur Louis XV. Mais, enfant, il était considéré comme de «constitution fragile», et le roi, inquiet, demanda dans son testament que ses enfants illégitimes puissent accéder au trône !

Ce qui fit un sacré barouf dans le Landerneau, aucun roi n’ayant jamais osé déposer une telle requête !

Si une population n’a pas connu d’épidémies depuis plusieurs générations, la maladie s’étend rapidement, personne n’étant protégé. C’est ce qui s’est passé en 1951 au Groenland. Sur les îles Féroé, en 1846, une épidémie toucha 6000 personnes sur 7800. Les médecins estimaient que seules les personnes de plus de soixante cinq ans avaient été épargnées, parce qu’elles avaient connu la précédente épidémie en 1781. C’était la preuve que le virus ne s’y était pas invité pendant des dizaines d’années.

Ces observations chiffrées ont confirmé tous les témoignages accumulés pendant des décennies. Le virus de la rougeole, associé au virus de la variole, a accompagné ce qu’on peut appeler le début de la mondialisation, c’est à dire la colonisation des contrées lointaines par les Européens, pour le plus grand malheur microbiologique de leurs habitants premiers.

Un virus contagieux, comme un incendie

Fin 1874, des chefs fidjiens, Cakobau en tête, se déplacent en Australie pour faire allégeance à la Reine d’Angleterre, à la suite d’un grave différend avec les États-Unis. Début 1875, c’est la catastrophe. Car avec le traité, ils ramènent la rougeole dans de nombreuses îles, à la suite d’une grande réunion festive célébrant l’événement. La violence de l’épidémie est incroyable. On dénombre 40 000 morts sur 150 000 habitants.  

Le tambour à fente résonne pendant des semaines, les hommes peinent à s’occuper des morts. Les chiens et les cochons sauvages s’en chargent.

On ne comprend pas bien cette extravagante mortalité. Peut être n’y avait il jamais eu de contact entre ces populations et ce virus…?

Des études africaines ont démontré l’importance du contact familial et du type d’habitat. Si c’est le frère qui contamine, la rougeole est deux fois plus meurtrière. Observation curieuse, la létalité est plus marquée quand c’est une contamination entre sexes opposés ! On pourrait presque dire que c’est l’être que vous chérissez le plus qui peut vous être le plus nuisible !

Dans un habitat exigu, habité par une famille nombreuse, le virus exulte, l’air en est saturé. C’est pour cette raison que dans bien des pays, les filles sont un peu plus atteintes que les garçons. Confinées à la maison, elles vivent dans cette promiscuité si favorable à la formation d’aérosols denses. 

La rougeole, quand elle a accompagné les Espagnols vers le nouveau monde, a été à l’origine, avec la variole, d’un véritable génocide. Non seulement le blanc avait les canons, les chevaux, les chiens, les bateaux, mais il semait la désolation, la terreur épidémique, qui était liée à son arrivée sur un sol vierge de ces virus. La population autochtone, évaluée à cent millions d’individus, fut réduite à quelques millions sur l’ensemble du continent, et les guerres n’y furent pas pour grand chose.

 Le blanc superstitieux et croyant y voyait le signe divin de sa légitimation. L’indien, la preuve de l’existence de dieux mauvais surpuissants alliés à ces envahisseurs.

 Après les années 1950, en Europe, les épidémies sont bien moins meurtrières qu’au XIXe siècle, pour des raisons qui nous échappent en partie. La sous-alimentation et la carence en vitamine A jouent un rôle important .

La patate douce est riche en vitamine A. Ici culture à St Yo, possible depuis quelques années

 Dès les années 1960, les familles sont moins nombreuses, mieux nourries. L’habitat est plus spacieux, plus hygiénique, bref, moins propice aux aérosols denses, et aux complications dangereuses dans les pays en voie de développement : les diarrhées et les pneumonies. 

Les antibiotiques sont apparus, et peuvent combattre ces complications. Car la rougeole déprime fortement l’immunité pour un bon moment, et ces complications sont meurtrières.

La vaccination, débutée en France en 1983, y a eu raison des quelques décès annuels encore observés.

Incendie de tôle

Malheureusement, des communications publiques calamiteuses sur la vaccination de l’hépatite B, et plus tard sur celle de la grippe, ont introduit une méfiance dans une partie de la population, a vrai dire très surprenante, quand on a conscience des immenses bienfaits de cette vaccination et de sa bonne tolérance.

Même si, chez nous, dans le cas de la rougeole, l’amélioration de nos conditions de vie et de la prise en charge médicale a joué un rôle plus important que la vaccination dans l’évolution de la maladie.

Mais la couverture vaccinale a baissé à la fin du XX ième, et c’est dès 2008 que le virus s’est mis à recirculer chez nous, avec un pic en 2011, en 2017, en 2018, en 2019 …pour ensuite disparaître pendant la période Covid.

Il faut que plus de 95% de la population soit vaccinée pour arrêter ce virus, des plus contagieux : cet objectif est atteignable en France, où le taux protection s’améliore ; l’obligation vaccinale de 2018 est bienvenue.

Globalement, de nombreux pays sont désormais indemnes de rougeole. Le vaccin mondialisé a réussi à démondialiser ce virus qui a tant meurtri l’humanité !


Nuages en feu

PS L’actualité récente aux Etats-Unis est désolante : le ministre de la Santé a du sécher pas mal de cours de physio pathologie pour ne proposer que des Vitamines A et D pour prévenir de la rougeole !