Jaune paille, la couleur d’une symbiose

Dans ma petite enfance, on me parlait de « mystères de la nature« , et un peu plus tard au collège, de « sciences naturelles« .

Ces expressions ont cédé la place aux mots « biologie« ,  » sciences de l’environnement« , comme si la nature n’était plus mystérieuse, comme si la démarche scientifique allait tout embrasser ; et le fait est que la science nous aide incroyablement, dans de nombreux domaines, et particulièrement en médecine…

Mais pour moi, qui me suis toujours senti aussi naturel que l’herbe d’un pré, la nature reste bien mystérieuse. Ce qu’il nous reste à découvrir d’elle est un Himalaya blanc à côté de la petite clairière lumineuse des connaissances acquises.

D’autant que j’y inclue l’humanité toute entière : elle n’existe pas « en dehors de la nature », elle est aussi « la nature », et en voici une preuve irréfutable.

C’est une bonne habitude que d’uriner jaune. Quand ça vire au rouge, on s’inquiète, sauf si l’on a rongé de la betterave rouge cuite juste avant.

Ce « jaune paille », c’est comme le »marron », c’est pour nous la couleur d’un déchet.

En l’occurence, c’est un pigment jaune qui provient de la dégradation de l’hémoglobine, qui nous sert de transporteur d’oxygène dans nos globules rouges. Nous en fabriquons continuellement, et en quantité. « Après usage », cette hémoglobine est transformée en bilirubine, et cette bilirubine est transformée, entre autres, en urobilinogène incolore, puis en urobiline jaune, jaune paille.

Cette dégradation de la bilirubine est usinée par une enzyme.

Et cette enzyme est produite par…

notre microbiote ! De misérables bactéries qui nous habitent et qui nous sont tout à fait indispensables !

Neuf souches de bactéries viennent d’être identifiées comme productrices de cette « bilirubine réductase » . »Clostridioides difficile« déjà connue pour cette propriété, mais aussi  Clostridium symbiosum, Clostridium sp., et  Ruminococcus gnavus, de nouvelles candidates à la production de cette enzyme.

On conçoit aisément que cette symbiose, cette coopération entre les bactéries et nous, ne date pas d’hier !

D’une manière générale, cette vie symbiotique nous est souvent cachée, le spectacle de la nature n’est souvent que violence, meurtre, prédation. Le rapprochement sexuel et le soin aux petits restent les maigres moments de répit.

La symbiose, elle, rapproche.

L’inverse, l’antibiose attaque.

La coopération, avec, ensemble.

La concurrence, contre, solitaire.

L’amour et la haine.