Rouges jardinspar Guy Grandjean
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Des observations pénétrantes sur le moisi

Bactériologie

Introduction

Nous sommes informés en quantité, depuis la naissance de la radio et de la télé. Servis à domicile, quasi gratos. Au bout de quelques dizaines d’années, l’info a remplacé l’ancestrale observation, longtemps seule maigre source de connaissances pour la majorité de la population, avec un peu d’école. Le poids des mots et des chiffres a fini par écraser le choc de l’image, des sons, des odeurs et autres sensations. Ce gout pour les mots, puis les chiffres nous a finalement satellisé hors de notre berceau sensoriel, la nature, que, grosso modo, nous ne ressentons plus.

Concrètement : vous n’avez nul besoin d’apprendre à la télé que le climat change, parce que ça fait 40 ans que vous l’observez , à travers le monde végétal tout simplement. Si vous y êtes sensible donc, ou si votre métier vous y contraint ! Maintenant, si vous voulez connaître un peu la suite, c’est plus coton, bien sûr, ça demande un peu de science, un peu de GIEC !

Bon, une petite pause, après cette introduction un peu austère, avant d’entrer dans le vif de nos ancêtres Je vous propose un liquoreux issu de grains pourris (Moisissure : Botrytis cinirea)!

Vers 1895, les médecins ont commencé à penser « microbe » pour comprendre l’origine de nombreuses maladies. Mais question traitement, c’est la misère : quelques vaccins, celui de la Variole, de la Rage, du Charbon, et puis c’est tout.

On connait vaguement des traitements empiriques à base de moisissures, Joseph Lister a même soigné ainsi une infirmière en 1871. Il dit avoir appliqué avec succès une solution contenant du Penicillium glaucum sur une plaie infectée. Lui, Lister, le merveilleux défricheur de l’antisepsie, n’a pas hésité à essayer un remède un peu crado. Utiliser du moisi, on dirait aujourd’hui, au minimum, que c’est »contre intuitif » ! Comme faire du vin à partir de grappes pourries ! Ce que de nombreux vignerons n’hésitent pas à faire depuis fort longtemps, pour notre plus grand bonheur gustatif !

Un autre verre? Pas du vin de moisi ce coup ci. Quoiqu’en fait, pas de vin sans levures, de proches parents des moisissures !

Joseph avait d’abord observé que dans un tube à essai contenant moisissures et bactéries, ces dernières faisaient pâle figure rapidement, la loose. Le moisi gagne, et vite. Notre observateur clairvoyant constata aussi que des urines traitées par un « jus de moisissures » ne pouvaient pas être contaminées par des bactéries. Pourtant, E. coli en tête, elles font les fréquentes infections urinaires féminines.

https://www.rouges-jardins.com/blog/2021-5-2-un-chirurgien-fabriquant-de-barrires

Entre spécialistes, on évoquait donc un antagonisme entre bactéries et moisissures, une lutte inter espèces. Mais dans le milieu pastorien « traditionnel », on cherchait plutôt du côté immunité, vaccin, prévention, plutôt que traitement de l’infection déclarée.

Dans les pas de l’illustre savant Pasteur.

Pomme pourrie (Monilinia fructigenia)

A Lyon un jeune médecin, Ernest Duchesne s’y essaie, lui qui a été impressionné par une pratique de garçons d’écurie d’origine Arabe : ils mettaient les selles en milieu sombre et humide pour favoriser la pousse de ces moisissures sur le cuir. Ils prétendaient guérir les plaies fréquentes, dues aux frottements du harnachement sur les chevaux .

Il apprend ainsi que depuis des siècles, les bédouins d’Afrique préparent des onguents à partir de moisissures grattées sur les harnais d’ânes.

Moisissure en culture sur boite de Petri On dirait un oeil.

Ernest démontre que le Penicillium glaucum peut tuer des E. coli en culture. Mieux même, en expérimentation animale, il empêche la fièvre typhoïde en injectant auparavant une solution de cette moisissure ! Incroyable avancée de la médecine à ce moment là ! Car la typhoïde était une maladie des plus banales !

Attention : ce ne peut pas être la pénicilline, utilisée 40 ans plus tard : ce type de germe n’y est pas sensible.

Son travail restera sans écho, lui-même mourra très jeune de la tuberculose, qui lui a été transmise par sa femme, elle-même décédée quelques années auparavant.

Au même moment, en Italie, un médecin hygiéniste Vincenzo Tiberio, vivant à Naples, travaille sur la qualité de l’eau. Dans la maison où il habite, l’eau de pluie est bue. Elle est stockée dans un puits faisant office de citerne pour tout un quartier. Les habitants voient depuis longtemps des moisissures se plaire sur les parois de la citerne. Ils ont donc décidé de la laver régulièrement. Et, chose étrange, c’est bien souvent après le lavage de la citerne que les maladies diarrhéiques reprennent, quand l’eau paraît propre ! Vincenzo veut tirer ça au clair, lui qui est déjà au courant de l’idée d’antagonisme entre bactéries et moisissures. Comme si l’eau « moisie » guérissait !

Il va faire un gros travail expérimental, sur souris, lapins et cobayes, après avoir fait un choix sur la paillasse d’antagonismes de Mucor mucedo, Aspergillus flavescens, Penicillium glaucum avec des germes importants de l’époque, les bacilles de la Typhoïde, du Charbon, le vibrion du Choléra, des Staphylocoques et des Streptocoques.

Ici un lichen, pas une moisisssure

Seul le traitement par Aspergillus flavescens montrera un effet thérapeutique pour le bacille typhique et le vibrion cholérique. Il l’interprétera comme un effet favorable de la moisissure sur la leucocytose (augmentation du nombre des globules blancs) associé à un effet bactéricide de la solution de moisissure.

Il avait ainsi touché du doigt l’antibiothérapie, qui débutera avec un immense bonheur bien plus tard, grâce à Fleming, Chain et Florey au cours de la seconde guerre mondiale.

https://www.rouges-jardins.com/blog/2020-11-18-un-hroque-recyclage

De la mousse sur un cactus, c’est bien curieux : la mousse aime l’humidité, le cactus la sécheresse !
Marguerites et coquelicots