Rouges jardinspar Guy Grandjean
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Damnés succès des succédanés

Médecine

En deux générations, toute une culture 
de bonne cuisine, simple,  a pu être bousculée par la puissance 
des messages télévisuels bien conçus, appuyés aussi sur l’universelle envie « de payer moins cher »

En une génération, grâce aux vertus d’un marketing soigné aux petits oignons, tous les intestins humains risquent la déglingue : est-ce une bonne affaire pour la médecine ?

A l’échelle de l’évolution biologique, le corps peut s’adapter à de nouvelles conditions de vie, et facilement. Mais il ne peut faire face pas à un déluge de molécules nouvelles, indéchiffrables par nos systèmes de défense immunologique, pourtant ultra puissants.

Napoléon a été un des premiers initiateurs de l’industrie de l’ersatz, du succédané. Le blocus dont les français étaient victimes l’avait poussé à encourager la recherche d’un succédané du sucre de canne. C’est ainsi que le sucre blanc de betterave est né.

La blancheur recherchée – qui l’était aussi pour les sucres issus des mélasses de canne à sucre – raisonnait bien dans les représentations socio-culinaires de l’époque. Le pain blanc s’opposait au pain gris, volontiers dur, que mangeait « le paysan », marqueur de classe, et du mépris.

Alors qu’en fait le sucre brut de canne est un authentique délice, à l’instar du miel. A l’analyse, le sucre blanc se révèle être une désolation biologique, même s’il flatte intensément nos papilles au premier abord : c’est du saccharose à l’état pur.

Sur cet élan, toute l’industrie chimique naissante de la fin du XIXème siècle s’est ingéniée à trouver des succédanés. La saccharine est née à cette époque, du fractionnement de produits pétroliers.**

Des vins synthétiques ont connu un tel succès qu’il a fallu les interdire, car ils menaçaient le très important vignoble français.

Ces ersatzs ont été bien sûr recherchés au cours des deux grandes guerres mondiales, avec des grands succès comme l’essence synthétique de l’industrie allemande.

Après les trente glorieuses, et l’arrêt des régimes de pénurie en Europe, grâce à l’énergie facile, on aurait dû voir logiquement ces ersatzs entrer dans l’histoire. C’est mal connaître l’ingéniosité humaine.

La margarine a réussi le tour de force d’être promue « aliment santé » !

En Angleterre, c’est en quelques années que le pain « industriel » a remplacé le pain boulanger,
 et personne n’imagine depuis, manger
 une bonne baguette dans ce pays.

En restauration rapide, des succédanés du pain sont nés il y a peu et connaissent une carrière remarquable. Creusons un peu.

Le pain boulanger contient de la farine de blé, du sel, de la levure, de l’eau.

C’est tout.

Le pain au levain, par sa fermentation plus longue, en est une variante plus digeste, mais est mal aimé des amateurs de vitesse.*

Blé barbu, peu apprécié des sangliers




Voici la composition d’un « pain » d’une restauration rapide :

• Farine enrichie (farine de blé raffiné, farine d’orge malté, niacine, fer, thiamine, riboflavine, acide folique, enzymes)
• Sirop de maïs
• Saccharose
• Huile de soja 
• Sulfate de calcium (E516)
• Carbonate de calcium (E170) 
• Gluten de blé
• Sulfate d’ammonium (E517) 
• Chlorure d’ammonium (E510) 
• Stéaroyl 2 lactylate de sodium (E481(i)) 
• Esters mixtes acétiques et tartriques des mono- et diglycérides d’acides gras (E472)
• Acide ascorbique (E300)
• Azodicarbonamide (E927)
• Orthophosphate monocalcique (E341(i))
• Gomme de guar (E412)
• Peroxyde de calcium (E930)
• Farine de soja
• Propionate de calcium (E282)
• Propionate de sodium (E281)
• Lécithine de soja
• Graines de sésame


Tous les additifs utilisés sont autorisés par 
les règlements européens.

Une mention particulière doit être faite sur l’important gluten. On devrait d’ailleurs parler de glutens avec un s car ces molécules fort complexes ont évolué avec la sélection des blés.

Pour obtenir une levée rapide, obtenir une texture « moelleuse » et pérenne, une bonne machinabilité, les boulangers modernes utilisent des farines riches en gluten(s). Ces farines sont issues de blés dits « de force ». Voir le chapitre sur le « céréale killer »

https://www.rouges-jardins.com/blog/2016-8-12-le-gluten-les-mystres-dun-crale-killer

Au Canada, grand producteur de semences, les professionnels ont eu froid dans le dos à la fin du XXème en constatant que le gluten de leurs semences sélectionnées piégeait le Cadmium. Depuis la situation s’est améliorée, outre atlantique, grâce à la sélection génétique. En France, la situation est plus complexe, et il semble que l’agriculture biologique soit bien venue, ou à défaut au moins un recours plus grand aux engrais organiques, né d’un nouveau regard sur la pérennité de nos sols. Les phosphates marocains sont pointés du doigt.

Mais reste que le gluten est un authentique miroir aux alouettes, car il passe pour augmenter le taux protéique, alors qu’en fait certaines de ces grosses molécules complexes, insolubles, sont peu digestes. Le pain au levain, par sa fermentation plus longue en milieu acide favorise les protéases qui hydrolysent le gluten.

Le pain blanc poussé à la va vite est clairement indigeste pour nous, et aussi pour d’autres…

Cette année là, en faculté de pharmacie,
 section microbiologie, chaque étudiant fut invité à apporter une tranche de pain, et 
à la déposer dans une étuve humide à 37 °C. 
La semaine suivante, les tranches furent observées.
 Un seul étudiant avait apporté une superbe tranche 
dorée d’un délicieux pain semi-complet boulanger, quelle pitié de la gâcher ainsi.

C’était pour la science !

A la sortie de l’étuve, 
elle était recouverte d’un magnifique tapis de moisissures, 
de bactéries, de couleurs vives et de formes différentes, un véritable 
tableau impressionniste, une splendeur.

La richesse en sels minéraux, vitamines, nutriments, attirait toute sorte de clients microscopiques. Sur les autres poussaient de très rares Penicillium, une moisissure banale. C’était du pain du RU, restaurant universitaire, pauvre baguette blafarde vite desséchée.

On pourrait faire la même expérience avec bien d’autres pains dits « industriels », et en particulier ceux utilisés dans la restauration rapide.

Laissez les traîner dans un coin de votre cuisine.

Retrouvez les quelques mois après, vous les retrouverez un peu racornis, 
mais jamais moisis : aucun microorganisme n’en veut 

:) 🙂 !

Méli mélo bactérien

* « Time is money », une nouvelle morale, voire une injonction…

** Elle a probablement empêché ma grand mère de voyager, en en ayant consommé pendant les cinq années de la dernière guerre.(Diarrhées incoercibles)

or v=distance/temps