Ce fou, cet oiseau de mauvaise augure
Photo : Un petit fou
La Loire Atlantique vient d’être classée de nouveau « zone de contrôle temporaire » pour les élevages de poules et canards, pour cause de grippe aviaire. Au mois d’octobre. Quelle histoire de fou !
En Bretagne, en face de Peros-Guirec, c’est sur l’île Rouzic que s’est installée une grande colonie de fous de Bassan. Magnifiques oiseaux. Le virus aviaire H5N1 hautement pathogène l’a ravagée.
Fou de Bassan, drôle de nom pour un oiseau ! L’origine de cette dénomination est simple : ces gros oiseaux marins vivent en général en colonies sur des îles. Le plus souvent assez inhospitalières pour que les hommes n’y aient jamais mis les pieds. Le « premier contact » entre eux et nous n’a jamais été empreint de méfiance, ils ne nous connaissaient pas !
Des animaux ne craignant pas l’homme, quelle bande de cinglés, quelle bande de fous !
Sur toute la côte de la Manche, la côte bretonne, et maintenant, sur la côte Nord vendéenne, la grippe aviaire tue des Goëlands, des Mouettes. Et ces oiseaux là ont tendance à remonter dans les terres, en particulier le long des cours d’eau.
Des mortalités anormales avaient été observées cet été dans le Nord de la France, dans la baie de Somme, grand carrefour aviaire.
Puis un peu partout, le long des côtes.
En fait, la maladie devient endémique dans la faune sauvage. Terrible nouveauté.
C’est une maladie contagieuse, comme le Coronavirus, et comme le Coronavirus, elle peut être parfaitement asymptomatique chez certaines espèces, chez certains individus.
Le résultat : toutes les espèces peuvent être atteintes, plus ou moins, avec de faibles mortalités, sauf grandes concentrations animales.
Les grandes concentrations animales, ce sont d’abord les colonies d’oiseaux de mer, sur les îles, ce sont aussi les carrefours des grandes migrations. La baie de Somme, le Lac de Grand-Lieu, la baie de l’Aiguillon, la Camargue…Les lois de la contagion sont les mêmes partout.
Les grandes concentrations animales, ce sont aussi les élevages. Après une courte incubation, en 48 heures, dix mille poules « enfermées » peuvent y passer.
En fait, la grippe aviaire n’a pas fait de pause estivale. C’est une première dans nos pays. Elle a ravagé les élevages d’Europe cette année, avec 20 millions de volailles mortes ou euthanasiées en France, 45 millions en Europe, 37 pays sont atteints. Des chiffres astronomiques, qui ne semblent plus nous toucher.
Que faire ?
Observer, réfléchir, agir
Premier point : la maladie épidémique est un phénomène naturel. Elle régule, dramatiquement, les populations animales. Elle ne détruit une espèce que rarement, du moins sur les grands espaces.
Deuxième point : le virus de la grippe aviaire H5N1 se transmet par voie aérienne. Dans un espace clos, l’épidémie est foudroyante. Dehors, l’aérosol de virus est dilué.
Troisième point : l’oiseau excrète le virus par ses déjections. Imaginez un plan d’eau : une vraie soupe virale, quand les oiseaux, à commencer par les canards sont nombreux. Ces virus sont capables d’y survivre 1 mois en hiver, quand les températures sont basses et le soleil absent. Qui dit forte concentration animale dit énormes quantités de déjections dit énorme concentration virale. Que ce soit sur terre ferme ou dans des plans d’eau. Les biologistes n’ont pas besoin de concentrer les échantillons avant analyse.
Tout est dit.
Tout comme le Coronavirus envahit le globe grâce aux avions, le virus aviaire, né en Asie, a ensuite colonisé l’Europe, puis l’Afrique, puis les E-U et le Canada. Un autre moyen pour lui de se répandre, c’est le transport des animaux vivants. Quand il atteindra l’Amérique du Sud, son impact risque de surprendre dans les gigantesques élevages Brésiliens. Cette épidémie s’appellera alors pandémie, ce qu’elle était déjà en fait quand elle avait quitté son berceau asiatique.
Que faire ?
L’enjeu est « économique », bien sûr, mais ce n’est pas l’essentiel. Les protéines de l’oeuf sont les protéines animales les plus faciles à produire, donc les plus abordables. C’est un enjeu majeur de malnutrition.
Que faire ?
Si vous voyez un oiseau mort, ne le touchez pas à main nue. Le virus aviaire H5N1 hautement pathogène est un virus grippal proche de nos virus grippaux humains. On ne doit en aucun cas favoriser les rapprochements, qui pourraient favoriser les recombinaisons.
Quand un élevage est touché, il produit un aérosol qui risque de contaminer les voisins.
On dit que, suivant les « études », à 500m, le risque est de 10 % : c’est évidemment un chiffre très grossier, décrété au doigt mouillé, cette contamination dépend étroitement des conditions météo (le vent!), de la « quantité »de virus…
A 3 km, le risque est déclaré de 1 %
A 10 km, le risque est de 0,05 %…
Conclusion : si votre élevage est isolé, le risque est nul, sauf contact avec l’avifaune, risque très faible. Pour éviter ce contact, le parcours des volailles peut être protégé de filets.
Il n’y a rien de vraiment scientifique dans ces chiffres. Le simple bon sens indique que le devenir de l’aérosol dépend étroitement de la météo. Si vous êtes à 200 m sous le vent par temps froid et humide, ou à 2 km sans vent et par temps ensoleillé, le risque est évidemment très différent. Si l’élevage contaminé est euthanasié rapidement, l’aérosol viral peut être faible.
Détruire les élevages de manière systématique dans un rayon de trois km autour d’un cas avéré peut être tout à fait discutable.
Enfermer les volailles quelque temps peut être plus judicieux, les observer soigneusement, les tester régulièrement, peut être plus judicieux, si l’on met dans la balance l’énorme impact que ces mesures pourraient entrainer dans un monde affamé, avec une pandémie de grippe aviaire généralisée dans l’avifaune. D’autre part, on ne contrôle pas la présence de filets chez les particuliers, et d’ailleurs c’est juste incontrôlable !
Reste probablement la contamination la plus fréquente : le passage d’un élevage à l’autre de personnes porteuses de virus. On se souvient de la pathétique contamination du premier élevage touché dans l’Ain en 2006. Les vétérinaires, techniciens, livreurs d’aliments ne sont pas encore bien formés en France. Ils se contentent souvent d’un bien pauvre pédiluve. Pour éviter la contamination, l’entrée de personnes, de véhicules dans l’élevage doit être drastiquement contrôlé. Combinaisons, pulvérisateurs…Des nouvelles habitudes à prendre…